Thursday, 4 November 2010

LA CRÉATION DE L'INSTITUT DU BON PASTEUR

D’anciens prêtres et séminaristes de la Fraternité saint Pie X se rallient à Rome et érigent une nouvelle fraternité

La Congrégation vaticane pour le clergé a érigé, le 8 septembre 2006, une nouvelle fraternité pour accueillir d’anciens prêtres et séminaristes ayant quitté la Fraternité saint Pie X. Elle sera dirigée par l’abbé Philippe Laguérie, exclu de la Fraternité que préside l’évêque traditionaliste valaisan Bernard Fellay.

Rome a instauré vendredi un nouvel institut religieux, "le Bon pasteur", accueillant en son sein d’anciens prêtres et séminaristes de la Fraternité saint Pie X séparée de Rome depuis 1988, selon des informations recueillies par l’agence I.MEDIA.

Le siège de cette nouvelle fraternité où les prêtres célébreront exclusivement selon le rite liturgique traditionnel de saint Pie V pourrait être à Bordeaux (France), à l’église Saint-Eloi. Dans la matinée du 8 septembre 2006, jour de la fête de la Nativité de la Vierge, le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé et chargé de la Commission "Ecclesia Dei" (*), a signé le décret d’érection de l’institut de droit pontifical du "Bon pasteur".

Il s’agit d’une société de vie apostolique dépendant à la fois de la Commission "Ecclesia Dei" et de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. Dans ce décret, le cardinal Hoyos a approuvé les statuts du nouvel institut qui a pour supérieur général un prêtre exclu de la Fraternité saint Pie X, le bouillonnant abbé Philippe Laguérie. L’abbé Laguérie, qui oeuvrait à la paroisse lefebvriste bordelaise de Saint-Eloi, s’est fait exclure de la fraternité schismatique pour avoir refusé sa mutation au Mexique.

De sources vaticanes, la nouveauté réside dans le fait que “Benoît XVI lui-même ait souhaité cette démarche“ dans laquelle “le missel traditionnel de saint Pie V n’est pas un missel à part, mais bien une forme extraordinaire de l’unique rite romain“. Au Vatican, comme parmi les membres du nouvel institut, on insiste pour dire que “cet accord correspond aux requêtes faites autrefois par Mgr Lefebvre“, séparé de Rome en 1988.

L’appui du cardinal Castrillon Hoyos

La nouvelle fraternité compte dans ses rangs, outre cinq prêtres, plusieurs séminaristes dont certains devraient être prochainement ordonnés. Le cardinal Dario Castrillon Hoyos s’est engagé à célébrer ces premières ordinations. Les responsables de la fraternité tablent aussi sur le fait que des prêtres de la Fraternité saint Pie X choisiront de les suivre et qu’ils pourront fonder, dans divers diocèses, des "paroisses personnelles". A Bordeaux, Paris et ailleurs, ces prêtres sont suivis par un certain nombre de fidèles attachés au missel de saint Pie V, rite liturgique en vigueur avant la réforme liturgique de 1969.

Avec ce nouvel institut, Rome a choisi de négocier avec des exclus de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre plutôt qu’avec la fraternité elle-même. L’accueil d’anciens prêtres intégristes ne se fera pas sans mal dans l’Eglise de France. La Fraternité Saint-Pierre, fondée en 1988 pour accueillir prêtres, séminaristes et fidèles voulant rester rattachés à Rome dans le respect de la tradition liturgique, devrait aussi souffrir de cette nouvelle création. D’autant que certains de ses membres semblent prêts à rejoindre "l’Institut du Bon pasteur".

Siège à Bordeaux ?

Le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux, membre de la Commission "Ecclesia Dei", pourrait accepter que l’église Saint-Eloi devienne le siège de la fondation du Bon pasteur.

Il "récupèrerait" ainsi une église du diocèse de Bordeaux occupée depuis janvier 2002 par l’abbé Laguérie, alors membre de la Fraternité saint Pie X, avec le soutien du conseil municipal de la ville.

L’accueil de prêtres exclus de la Fraternité saint Pie X séparée de Rome a lieu alors que plusieurs évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988 continuent de durcir le ton face au Saint-Siège. Mgr Bernard Fellay, reçu en audience par Benoît XVI en août 2005 à Castel Gandolfo, et confirmé par ses pairs en juillet dernier à la tête de la Fraternité Saint Pie X, a présenté “la liberté entière et sans conditions pour la messe tridentine et le retrait du décret d’excommunication des quatre évêques“ ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre comme préalable à toute négociation avec Rome.

Depuis, il a lancé une initiative appelée “bouquet d’un million de chapelets“ avec laquelle il invite à prier pour “obtenir du ciel la force nécessaire à Benoît XVI pour libérer la messe dite de saint Pie V“.

En mars 2006, l’abbé Philippe Laguérie déclarait déjà qu’un “accord avec Rome“ était “une évidence telle qu’on se demande comment elle a pu sortir de la tête et du cœur de beaucoup“ car “c’est la constitution même de l’Eglise qui l’exige“. Cet accord, écrivait-il, ne suppose pas d’avoir “d’abord, au préalable, aplani toutes les difficultés doctrinales“. Il invitait aussi ses fidèles à “scruter les signes, les manifestations, les possibilités d’une bonne volonté des Romains d’en finir avec le délire doctrinal et les scandales des années 1960-2000“.

Vers un retour à la communion ?

Il demandait “une liberté totale de la liturgie, et sur des raisons de fond, ainsi qu’une liberté totale de recevoir le Concile pour ce qu’il est“, notant que “le document du pape à la curie (22 décembre) (...) indique bien que l’esprit du Concile est mauvais“.

En avril 2006, à Lourdes, le cardinal Jean-Pierre Ricard déclarait devant l’ensemble des évêques de France que la question des relations avec la Fraternité saint Pie X méritait “un traitement particulier“. “Nous savons que le pape Benoît XVI en porte le souci“, expliquait-il, ajoutant que, “dans les semaines ou les mois qui viennent, il devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion“. “Nous les accueillerons dans la foi et les mettrons en œuvre fidèlement“, lançait encore le cardinal Ricard aux évêques.

Les prêtres qui composent la nouvelle institution traditionnelle ont été tour à tour exclus de la Fraternité saint Pie X. L’abbé Paul Aulagnier, longtemps supérieur général en France de la Fraternité (1976-1994), a été exclu en 2003 pour avoir défendu les accords dits ‘de Campos’. En 2002, le Saint-Siège avait ainsi accordé à la Fraternité brésilienne saint Jean-Marie Vianney de célébrer la messe selon le missel tridentin à condition de reconnaître le Concile Vatican II interprété “à la lumière de la tradition“ et la validité du missel de Paul VI. Paul Aulagnier a été autorisé à exercer par le diocèse de Clermont, sans recevoir mission particulière en 2004. Il a aussi fondé une maison d’accueil dans le diocèse de Chartres.

Philippe Laguérie, un abbé médiatique

Particulièrement médiatique, l’abbé Philippe Laguérie a été exclu en août 2004 après avoir affirmé que la Fraternité saint Pie X rencontrait de graves problèmes liés à un découragement de vocations sacerdotales dans ses différents séminaires. Il a fait l’objet d’une mutation disciplinaire au Mexique, sanction qu’il a refusée avant d’être exclu. Avant cela, au sein de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre, il avait été curé de l’église parisienne de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, occupée par les fidèles traditionalistes depuis 1977.

En 1993, il avait tenté d’occuper une autre église parisienne, Saint-Germain-l’Auxerrois. Il a réussi l’opération à Bordeaux en obtenant du Conseil municipal de la ville, mais pas de l’archevêché, d’occuper l’église Saint-Eloi, en janvier 2002.

L’abbé Christophe Héry a été exclu pour avoir soutenu l’abbé Laguérie, tout comme l’abbé Guillaume de Tanoüarn. Ce dernier a fondé à Paris l’association cultuelle Saint-Marcel et le centre Saint-Paul. Un cinquième prêtre, en poste à Bordeaux, l’abbé Henri Forestier, fait partie des premiers membres de l’Institut, avec un diacre, prochainement ordonné prêtre, l’abbé Claude Prieur.

La Commission Ecclesia Dei instituée par Jean-Paul II en juillet 1988, avait été créée afin de “faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes, des communautés religieuses ou des religieux individuels ayant eu jusqu’à présent des liens avec la fraternité fondée par Mgr Lefebvre et qui désirent rester unis au successeur de Pierre dans l’Eglise catholique en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques“. JB

(*) La Commission pontificale "Ecclesia Dei" a été instituée par le pape Jean Paul II avec le "Motu Proprio" promulgué le 2 juillet 1988 à la suite de l’acte schismatique des ordinations épiscopales illégales effectuées par l’archevêque Marcel Lefebvre, à Ecône (Suisse).

Source : (apic/imedia/ami/be)
La une (News)