DE L'AGRESSION DE JEAN-PAUL II À CELLE DU BATONNIER
Quand on s'appelle Juan Maria Jesus Fernandes Krohn, on ne peut être né que sous le ciel ibérique.
Le personnage qui comparaît jeudi matin sans avocat devant M. Marc de Maleingreau d'Hembise, président de la 47e chambre correctionnelle flamande de Bruxelles, est effectivement né le 24 juillet 1949 à Madrid.
S'il était né deux siècles plus tôt, il aurait pu servir de modèle à Goya pour un de ses soldats casqués à l'oeil redoutable.
Juan Maria Jesus n'est pas un inconnu pour nos lecteurs.
Souvenez-vous: lors de la visite du pape Jean-Paul II à Fatima, le 12 mai 1982, un homme trompe la surveillance des services d'ordre et n'est maîtrisé qu'à la toute dernière minute, au moment même où il allait transpercer le pape avec un poignard de trente-sept centimètres.
C'était lui, Juan Maria Jesus, ex-prêtre intégriste et étudiant en droit un peu fou qui ne s'était jamais consolé de la mort de Franco, et qui aujourd'hui encore, avant de répondre à une de nos questions, s'assure d'abord du fait que nous ne serions pas juif!
INSCRIPTION AU BARREAU FLAMAND ET DÉLIRES...
Condamné pour tentative de meurtre sur un chef d'État étranger, Juan Maria Jesus sera tenu au frais pendant sept ans dans les geôles portugaises.
À sa sortie de prison, l'homme décide d'abord de s'installer en Belgique, où il épousera une dame anversoise. D'où sa connaissance du néerlandais. Il réside tantôt dans la métropole, tantôt à Ostende ou à Vilvorde, et il achève ses études de droit à l'université de Gand, en sorte d'obtenir une homologation complète de ses parchemins espagnols.
Et le voici qui pose sa candidature au barreau néerlandophone bruxellois. Pour ce faire, il doit signer deux documents qui établissent notamment qu'il n'a jamais été condamné ni en Belgique ni à l'étranger.
Il le fait sans vergogne, et cela réussit tellement bien qu'il est inscrit au barreau flamand, qu'il prête le serment, et qu'il hante les tribunaux de la capitale.
Certains se souviennent encore de ses plaidoiries avec un certain effroi, et une de nos présidentes de chambre d'appel n'oubliera pas de sitôt le long escrogriffe menaçant.
Les incidents se multiplient, et on s'interroge enfin plus sérieusement sur le «nouveau confrère». Et on se rend compte alors seulement qu'il a escamoté la condamnation de 1982 sur sa demande. Il a donc commencé sa carrière d'avocat par un faux, et c'est de ceci qu'il doit rendre compte.
Comme aussi d'une paire de gifles, l'une au bâtonnier Eric Carre, l'autre au dauphin de l'Ordre flamand, administrées de vigoureuse façon à la buvette des avocats et en chambre de discipline, le jour où il s'entendit signifier qu'il était interdit de Palais.
UN EXALTÉ PAS PRÈS
D'ALLER À CANOSSA
Le procureur du Roi Marnix Verbeke ne sera pas tendre pour ce bouillant hidalgo qui profite d'une disposition légale qui lui permet de se défendre sans avocat en première instance. Enfin, pour lui, une sorte d'ultime plaidoirie bruxelloise.
M. Verbeke demande au président de ne pas minimiser les préventions. Si Juan Maria Jesus prétend à l'audience qu'il a estimé ne pas devoir signaler la condamnation de 1982 au Portugal, c'est parce qu'il avait totalement accompli sa peine, le dossier révèle que le prévenu a reconnu avoir recelé cette information sur les documents officiels de peur de ne pas être admis au barreau.
L'intention requise pour l'établissement du faux est donc établie. Quant à la gifle qui expédia les lunettes du bâtonnier Carre dans le décor, elle ne doit pas être assimilée à la gifle d'une rixe de café: c'est le plus haut représentant de l'Ordre flamand des avocats que le prévenu a voulu atteindre. Aujourd'hui encore, il ne vient pas à Canossa, accusant sa victime d'être un dictateur et un homme corrompu.
Il ajoute, pour qu'on comprenne bien: C'est à vous, monsieur le président, que je présente des excuses. Pas aux autres!
Il est vrai que le président de Maleingreau d'Hembise a fait montre d'une patience angélique. Il prononcera son jugement le 16 juin.
VAN DAMME,GUIDO; MILUTIN,ROGER
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