L’affaire de M. l’abbé Philippe Laguérie à Bordeaux
4-08-2009
I. Les faits reprochés
par M. l’abbé Alain Lorans
Le 22 juillet, M. l’abbé Philippe Laguérie diffuse auprès de 35 prêtres de la Fraternité Saint-Pie X un texte très critique sur le Directeur et quelques professeurs du séminaire d’Ecône. La simple lecture de ce document – très mal rédigé – fait sérieusement douter que M. l’abbé Philippe Laguérie en soit l’auteur.
Le document, les tracts et communiqués qui ont suivi, donnent des statistiques erronées avec l’intention de dénoncer une évolution catastrophique du séminaire d’Ecône. Ainsi il est indiqué 62 renvois en 7 ans, alors qu’il y a eu en tout et pour tout 49 départs en 8 ans, la plupart ayant été volontaires (retours à la vie civile), les autres non volontaires. De même, il est déclaré que les ordinations sont en chute libre : pas une seule ordination au séminaire en Allemagne pour l’année prochaine et les suivantes, alors qu’il y en aura 6 en juin 2005, ce qui représente la deuxième ordination en importance numérique depuis la création du séminaire de Zaitzkofen. Les années qui suivent sont par ailleurs normalement fournies. En outre, on ne peut dire qu’il y a eu de nombreux départs de ce séminaire, puisqu’ils se sont limités à 3 cette année écoulée. A Ecône, il y aura 5 ordinations pour l’année 2004-2005 et non pas une ou trois comme mentionné dans les différents tracts et communiqués. Une autre accusation majore de 5 le nombre des départs du séminaire de Winona cette année. – De façon générale, la Fraternité ordonne en moyenne entre 15 et 30 prêtres chaque année dans ses quatre séminaires (Suisse, Allemagne, Etats-Unis, Argentine), cette année ils seront 17.
Par ailleurs, le document comporte des jugements lapidaires sur des séminaristes devenus prêtres aujourd’hui, nommément cités. Ces jugements indiquent que tel ou tel a pu être accusé de paresse ou de mauvaise tenue. Ainsi un prêtre professeur dans une des écoles de la Fraternité a pu apprendre qu’il lui avait été reproché d’être immature… Ces accusations invérifiées et diffusées à 35 exemplaires par M. l’abbé Philippe Laguérie sont parvenues non seulement aux intéressés mais à d’autres prêtres, à des séminaristes et à des fidèles… Tel est le destin des lettres circulaires paradoxalement confidentielles.
Si M. l’abbé Philippe Laguérie avait suivi les conseils qui lui furent expressément donnés à la mi-juillet, il aurait emprunté la voie hiérarchique, alertant le Supérieur de district, le Supérieur Général, voire les quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie X par une note interne sur la situation d’Ecône qu’il jugeait grave, – comme c’est son droit le plus strict. Mais M. l’abbé Philippe Laguérie a préféré exercer une pression sur le Supérieur Général contre le Directeur d’Ecône, ce qu’il a d’ailleurs reconnu. Aucune société ne peut admettre qu’un de ses membres instrumentalise ainsi le Supérieur pour obtenir la démission d’un autre membre.
Le 24 juillet, devant cette faute grave, le Supérieur de district a demandé à M. l’abbé Philippe Laguérie de téléphoner au Supérieur Général et de présenter ses excuses. Loin de s’excuser, M. l’abbé Philippe Laguérie a justifié son action. Fin juillet, il a donc été convoqué par le Supérieur Général. Déclarant qu’il ne pouvait se rendre en Suisse sous 48 heures, M. l’abbé Laguérie s’est vu proposer une date à sa convenance pour la semaine suivante, il a répondu qu’il attendrait l’occasion d’un passage du Supérieur Général en France. Face à ces manœuvres dilatoires, le Supérieur Général a dû se résoudre à l’informer par lettre du 29 juillet de la sanction qu’il lui infligeait : une mutation comme prieur au Mexique.
II. Les ouvertures faites à M. l’abbé Philippe Laguérie par les Supérieurs de la Fraternité
par M. l’abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du district de France
M. l’abbé Alain Lorans vous a fourni la relation des événements qui ont déterminé notre Supérieur Général, Mgr Fellay, en accord avec son Conseil Général, à prendre la décision de muter M. l’abbé Philippe Laguérie au Mexique.
Mon témoignage est celui du supérieur hiérarchique de M. l’abbé Philippe Laguérie, dépendant directement de Mgr Fellay et ayant donc vécu la crise de ces dernières semaines en relation constante avec l’un et avec l’autre.
Mon rôle a consisté non seulement à transmettre les messages de l’un à l’autre, mais aussi à faciliter leurs rapports et surtout à échafauder des propositions pour trouver une conciliation. Celle-ci n’a pas abouti. Il est juste cependant de faire connaître l’existence de ces transactions pour permettre d’évaluer l’importance des efforts entrepris afin d’éviter la rupture.
Je prends connaissance du document sur Ecône le 22 juillet où je descends à Bordeaux pour une journée pleine de travail avec M. l’abbé Philippe Laguérie. En dépit de quelques dossiers sensibles, cette journée se passe particulièrement bien. Avant mon départ, M. l’abbé Laguérie me remet un feuillet sur le séminaire qu’il me dit avoir envoyé à quelques anciens « d’une façon confidentielle ».
Dès le lendemain, je reçois des appels téléphoniques de prêtres du district – et pas que des anciens – qui me disent avoir reçu ce document. Saisi d’un doute, et après avoir constaté moi-même le caractère gravement diffamatoire du document, je téléphone à M. l’abbé Philippe Laguérie le 24 et l’engage, après avoir essayé de lui démontrer la lourde faute qu’il vient de commettre, à s’en ouvrir directement à Mgr Fellay et à lui présenter ses excuses. Mgr Fellay, à cette date, n’a toujours pas reçu le rapport de M. l’abbé Philippe Laguérie. Celui-ci lui téléphone bien, mais, loin de présenter ses excuses, justifie ce qu’il a fait.
M. l’abbé Lorans vous a tout à l’heure expliqué la légèreté avec laquelle M. l’abbé Laguérie n’a pas répondu à la convocation qu’il recevait de Mgr Fellay. Mes premières démarches vont consister à ménager ce premier entretien entre Mgr Fellay et M. l’abbé Laguérie qui se tiendra finalement à Sierre (en Valais), le 13 août.
Le rendez-vous de Sierre
Mgr Fellay confirme à M. l’abbé Philippe Laguérie, qu’en dépit de sa faute grave, il le maintient comme prieur, lui signale que sa mutation peut avoir lieu autre part qu’au Mexique et le laisse libre de lui faire des propositions hors d’Europe. Le départ de Bordeaux, en revanche, n’est pas négociable.
M. l’abbé Laguérie se déclare de son côté disposé à présenter des excuses publiques pour le procédé « discutable » dont il a usé, mais il ne les présente pas effectivement et se retire mécontent de l’entretien parce que son départ de Bordeaux a été confirmé.
Le deuxième rendez-vous manqué du Pointet
Ce deuxième rendez-vous que j’ai essayé de ménager n’aura finalement pas lieu. Mgr Fellay et M. l’abbé Laguérie en avaient tous deux accepté le principe.
M. l’abbé Laguérie avait posé comme conditions :
1) que plusieurs anciens désignés par lui soient présents. Ce que Mgr Fellay avait accepté.
2) que la question du séminaire et du départ des séminaristes soit réexaminée. Ce que Mgr Fellay accepta aussi.
3) mais M. l’abbé Laguérie entendait donner à ce conseil d’anciens – ou à une instance créée au sein de la Fraternité – un pouvoir supérieur à celui du Supérieur Général, qui aurait pu revenir sur sa décision de mutation-sanction. Une telle commission n’existant pas dans les statuts de la Fraternité Saint-Pie X, et ne pouvant d’ailleurs exister, Mgr Fellay ne pouvait l’accepter. Le deuxième rendez-vous échoua pour ce motif.
Mon engagement propre dans la soirée du 21 août
Je me rends à Bordeaux de nouveau. Lors d’une longue discussion avec M. l’abbé Philippe Laguérie, j’accepte de faire valoir à Mgr Fellay une nouvelle concession. Je m’engage à titre personnel, afin de conjurer le drame, que soit rediscutée sa mutation de Bordeaux. Je ne puis aller plus loin dans les concessions…
Je le dis à M. l’abbé Philippe Laguérie et lui demande de comprendre qu’il est impossible à Mgr Fellay, même s’il le voulait, de constituer pour la circonstance cette commission qui ne peut exister au sein d’une société religieuse selon le Droit de l’Eglise, et donc de bien vouloir y renoncer dans son cas. Hélas, M. l’abbé Laguérie refuse. Ce refus m’oblige à lire le communiqué de la mutation de M. l’abbé Laguérie lors de la messe à Saint-Eloi le lendemain.
L’ultime négociation des 1er et 2 septembre
M. l’abbé Philippe Laguérie nous a fait part de l’envoi d’un recours à l’évêché de Fribourg. Nous nous mettons pratiquement d’accord au téléphone sur une formule du type : « La Fraternité Saint-Pie-X prend acte du recours de M. l’abbé Philippe Laguérie. Elle suspend la nomination du nouveau prieur et se contente de nommer un administrateur provisoire. M. l’abbé Laguérie s’engage de son côté à se retirer provisoirement ». Il est 11 heures.
Je lui demande de bien vouloir m’envoyer dans la demi-heure confirmation écrite de son acceptation de cette formule ou d’une autre avoisinante. A 18 heures, je n’ai toujours rien reçu. J’appelle M. l’abbé Philippe Laguérie qui me dit avoir du mal à trouver finalement une phrase qui convienne. Je lui demande de me donner une heure butoir. « Demain (2 septembre) à 12 heures », me répond-il.
A 12 heures le lendemain, aucune nouvelle. A16 heures, je reçois un fax où M. l’abbé Laguérie m’écrit : « Même si je le souhaite profondément, une négociation partielle ne peut rien donner dans l’heure » et il remet sine die cette négociation, la faisant dépendre de la recevabilité de son recours.
Je le rappelle dans la soirée pour lui dire qu’il m’est impossible de reporter encore et je l’exhorte à appeler Mgr Fellay dans la soirée. Il me dit qu’il va le faire, mais il ne le fera pas.
Le 3 septembre, Mgr Fellay lui envoie une mise en demeure de quitter le prieuré dans les 24 heures en signe de soumission, mais il ne s’exécutera pas. M. l’abbé Laguérie me téléphone cependant dans la matinée du 3, mais pour modifier tellement la formule du 1er septembre et la liste de ses exigences que je lui déclare à l’avance l’impossibilité d’un accord aussi tardif sur des bases toutes nouvelles. Je téléphone néanmoins à Mgr Fellay qui présente malgré tout une ultime contre-proposition précisant les conditions de la mise en demeure de quitter Bordeaux. Mgr Fellay reconnaît qu’il y a des points intéressants dans la proposition de M. l’abbé Laguérie. L’unique condition sur laquelle il ne revient pas est le départ de Bordeaux. Tout le reste est négociable (ce qui incluait même une nomination en France). J’en fais aussitôt part à M. l’abbé Laguérie qui ne me donne aucune réponse.
En communiquant mon témoignage personnel, je n’ai pas fait état de toutes les autres interventions, celles de Mgr Williamson et de Mgr Tissier de Mallerais en particulier, et de beaucoup d’anciens qui à la demande de Mgr Fellay, ou de leur mouvement propre, ont tenté une démarche auprès de M. l’abbé Philippe Laguérie.
Si j’ai passé moi-même trois semaines à m’occuper entièrement de ce dossier, beaucoup d’autres se sont engagés à mes côtés pour faire revenir M. l’abbé Laguérie de son obstination. En vain… Comme l’a écrit son avocat de la Rote, Me Maurizio Incerpi : « D’un point de vue personnel, je veux dire que, si la Fraternité Saint-Pie X avait reconnaissance ecclésiastique, il serait très difficile pour le clerc Philippe Laguérie d’avoir raison dans ce cas, parce qu’il connaît très exactement, je crois, qu’il faut obéir à ses propres Supérieurs, même quand les décisions des Supérieurs ne semblent pas justes » (lettre de Me Maurizio Incerpi à Me Jérôme Turot du 4 septembre 2004).
III. Réponses à des rumeurs sur la Fraternité Saint-Pie X
par M. l’abbé Grégoire Celier
Voici quelques éléments de réponse sans prétention aux objections sur la situation actuelle de la Fraternité Saint-Pie X, – ces objections sont rédigées à partir du tract distribué par les partisans de M. l’abbé Laguérie, le dimanche 5 septembre 2004 à Saint-Nicolas du Chardonnet, sans d’ailleurs qu’il soit certain que M. l’abbé Laguérie ait donné son accord à ce tract.
1) Vous ne pouvez tout de même pas nier qu’il existe des problèmes graves au séminaire d’Écône !
Tout d’abord, redisons que les statistiques du rapport diffusé par M. l’abbé Laguérie (sans parler des tracts et communiqués subséquents) sont lourdement inexactes, tandis que les motifs rapportés pour les départs des séminaristes sont, dans la plupart des cas, fantaisistes. Or, comme ces statistiques et ces motifs sont donnés comme les preuves du problème du séminaire d’Ecône on peut prévoir que les conclusions auxquelles M. l’abbé Laguérie veut amener ses lecteurs, seront tout autant erronées.
Tous, nous sommes évidemment très attentifs aux vocations, c’est une question qui comme prêtres nous tient vivement à cœur. Nous souhaitons tous qu’il y ait beaucoup de vocations et beaucoup de nouveaux prêtres.
Le premier concerné et le plus attentif est évidemment le Supérieur Général, Mgr Fellay, dont le rôle premier, déterminé par les Constitutions de la Fraternité, consiste à veiller sur les séminaires «comme à la prunelle de ses yeux ».
Et de fait, le Supérieur Général, a consacré sa dernière visite canonique, au cours du premier trimestre de cette année, à recevoir seul à seul chaque séminariste et à l’interroger tout particulièrement sur ce point : le séminariste estime-t-il qu’il existe une bonne ambiance au séminaire ? Si non, quels problèmes le séminariste détecte-t-il ?
De plus, le Supérieur Général a mené une enquête indépendante sur plusieurs cas de départ, il a reçu les recourants, reprenant le dossier, interrogeant les protagonistes mais également des personnes étrangères au séminaire (par exemple, le prieur du lieu d’origine du séminariste, le directeur du séminaire de Flavigny), afin de vérifier que ce départ n’était ni injuste ni injustifié.
Il ne faut pas oublier non plus que le séminaire a pour objet d’éprouver et de vérifier la réalité d’une vocation, ce qui signifie que des départs sont forcément à prévoir (lorsque les responsables du séminaire constatent la non idonéité du candidat ou quand le séminariste découvre qu’en fait il n’a pas la vocation). Et de fait, la majorité des départs incriminés sont tout simplement des départs spontanés de ce type.
Ceci ne signifie pas que le séminaire d’Écône ne souffre d’aucun défaut. Il y a toujours quelque chose à améliorer, comme par exemple une meilleure communication. Mais la polémique lancée fait passer à côté du vrai problème : celui du recrutement et de la persévérance des séminaristes. A ce sujet, on peut envisager diverses explications, par exemple :
- Il peut s’agir d’un effet de cycle, contre lequel il n’y aurait alors pas grand-chose à faire.
- Il peut s’agir de problèmes dus à l’évolution de la jeunesse, problèmes nouveaux auxquels les professeurs ne sont pas forcément et d’emblée en mesure de répondre intellectuellement, pédagogiquement, etc.
- Il peut s’agir d’une certaine inadéquation du corps professoral dans son ensemble (par exemple, des prêtres à dominante intellectuelle, ayant peu d’expérience pastorale, prêtres auxquels un séminariste moins intellectuel et plus tourné vers la pastorale aurait du mal à s’identifier).
- Il peut s’agir d’une inadéquation de certaines coutumes du séminaire, excellentes dans les années 70 mais qui ne correspondraient plus à la psychologie des jeunes d’aujourd’hui.
- Enfin et surtout, il peut s’agir chez certains séminaristes de faiblesses (de caractère, intellectuelles, etc.) qui sont le fruit direct de l’éducation moderne et de l’ambiance actuelle de la société.
Si effectivement des problèmes existent, il convient de les analyser et d’y porter remède au plus tôt.
Cependant, porter remède à des difficultés de cette sorte est beaucoup plus difficile qu’on ne l’imagine, car il faut veiller à ne pas tout déséquilibrer et à faire finalement plus de mal que de bien.
On peut, évidemment, estimer que le Supérieur Général ne réagit pas assez rapidement, pas assez drastiquement face aux difficultés, qu’il ne choisit pas les bonnes solutions, etc. Mais il faut rappeler d’abord que le Supérieur Général ne règle pas de tels problèmes sans s’entourer des meilleurs conseillers ; ensuite que c’est lui qui possède le maximum d’informations sur la question, notamment par sa visite canonique annuelle où il reçoit personnellement chaque séminariste ; enfin que c’est lui qui est en charge directe et première de cette part importante de notre apostolat, et que c’est lui qui en conséquence bénéficie des grâces d’état nécessaires.
2) Le fond de cette affaire, c’est l’église Saint-Éloi. En fait, les Supérieurs ont été furieux de l’obtention de cette église par M. l’abbé Laguérie. D’ailleurs, le Supérieur de district, M. l’abbé de Cacqueray, a fait une visite clandestine à Mgr Ricard, pendant laquelle Mgr Ricard a demandé la tête de M. l’abbé Laguérie en échange de sa neutralité pour Saint-Éloi.
On peut affirmer tout d’abord, sans aucune restriction, que tout le monde, du dernier des fidèles au Supérieur Général, en passant par M. l’abbé de Cacqueray, s’est réjoui de l’obtention de l’église Saint-Eloi et de la convention signée entre la Ville de Bordeaux et l’association Eglise Saint-Eloi, permettant à la Fraternité Saint-Pie X d’y célébrer le culte. En témoigne, entre autres, le mot de félicitations adressé par Mgr Fellay le 2 février 2002 à M. l’abbé Laguérie.
Ultérieurement, une procédure a opposé la Ville de Bordeaux, Mgr Ricard et l’association Eglise Saint-Eloi, procédure portant sur l’absence de désaffectation de cette église. Dès cette époque, des divergences d’analyse sont apparues entre M. l’abbé Laguérie et ses Supérieurs sur cette situation. Le Supérieur de district et le Supérieur Général estimaient qu’il existait certaines faiblesses juridiques dans le dossier de l’association Eglise Saint-Eloi, ce qui s’est vérifié puisque les deux procès ont été perdus et que la convention a été annulée par la Mairie.
Ces divergences d’analyse n’ont aucunement remis en cause l’unité de vue du supérieur et du prieur sur le bien qu’apporte la desserte de cette église aux fidèles de Bordeaux.
Concernant la visite à Mgr Ricard, outre que M. l’abbé Laguérie a lui-même rendu visite à cet évêque, il faut rappeler que nos constitutions postulent que les rapports avec les autorités civiles et religieuses sont du ressort direct du Supérieur de district. Souvent, il délègue pour cela le prieur local, mais il peut très bien estimer plus judicieux de prendre lui-même ce contact, et il n’est pas tenu d’en informer le prieur local (même s’il le fait dans la plupart des cas). En l’occurrence, le Supérieur de district avait averti M. l’abbé Laguérie de longs mois à l’avance de son projet de rendre visite à Mgr Ricard, et à l’issue de cette visite il a informé M. l’abbé Laguérie de ce qui concernait l’église Saint-Éloi et Bordeaux.
Il est évidemment normal que le Supérieur de district rencontre le Président de la Conférence épiscopale, et l’ordre du jour d’une telle rencontre ne concernait pas seulement l’église Saint-Éloi, mais bien d’autres questions qui intéressent simultanément la Fraternité et les évêques de France.
Il serait malvenu de soupçonner des négociations secrètes inexistantes entre le Supérieur de district et Mgr Ricard, alors que M. l’abbé Laguérie a dissimulé à ses supérieurs son rôle de président de l’association Eglise-Saint-Eloi, décidé le 15 septembre 2003, déclaré en Préfecture le 4 juin 2004 et dont le Supérieur de district n’a été informé que le 25 août dernier – et pas par M. l’abbé Laguérie. Où se trouvent donc la dissimulation et le secret ? Il faut rajouter que l’évolution du dossier juridique impliquait directement le bien du District dans son ensemble. C’est pourquoi le Supérieur du district à fait savoir à M l’abbé Laguérie qu’il prenait personnellement en main cette affaire. Pourquoi M. l’abbé Laguérie désobéit-il ?
3) La Fraternité Saint-Pie X refuse tout appel ou tout recours lorsqu’un prêtre est sanctionné, c’est quand même un peu du totalitarisme !
Il faut rappeler tout d’abord que tout prêtre fait une promesse explicite d’obéissance. Obéir ne signifie certainement pas « faire ce qu’il me plaît ». L’obéissance implique le désagrément de soumettre sa volonté à des décisions qui ne plaisent pas, qui même coûtent. A cette obéissance sacerdotale solennellement promise lors de l’ordination se rajoute l’obéissance découlant de l’appartenance à une société ecclésiastique. Dans de telles sociétés, les supérieurs ont le pouvoir d’imposer des préceptes, de nommer à des postes, de sanctionner etc. d’une manière analogue à l’exercice de l’autorité des parents sur leurs enfants. Un enfant ne fait pas recours parce que ses parents le punissent pour une faute. Cela appartient à la vie normale d’une telle société. C’est aussi pourquoi jamais en trente-quatre ans d’existence aucun membre n’a fait recours contre une sanction que lui imposait le supérieur. On ne peut imaginer un recours que lors d’un cas vraiment extraordinaire, ce qui n’est certainement pas le cas d’une mutation. Même l’avocat “rotal”1 choisi par M. l’abbé Laguérie pour faire appel à Rome lui a rappelé ces choses élémentaires (cf. le texte de M. l’abbé de Cacqueray).
Cela dit, en droit (civil ou canonique), chaque action se classe dans une catégorie justiciable d’un traitement propre. Lors donc que M. l’abbé Laguérie a fait savoir au Supérieur Général qu’il entendait en appeler de sa mutation-sanction, le Supérieur Général lui a indiqué explicitement et à plusieurs reprises (M. l’abbé Laguérie n’étant pas censé être un spécialiste de droit canonique) la procédure adaptée à son cas. Puisque la sanction est administrative et non judiciaire, l’action juridique appropriée s’appelle un « recours » plutôt qu’un « appel ». Étant donné la structure de la Fraternité (assimilée à une société de droit pontifical), ce recours ne peut se faire qu’à Rome.
Malheureusement, puisque Rome considère la Fraternité comme supprimée depuis 1975, donc inexistante juridiquement, un tel recours n’a aucune chance d’aboutir : il sera automatiquement rejeté par Rome. Ce n’est une surprise pour aucun membre de la Fraternité, en particulier pour M. l’abbé Laguérie. Dans la situation actuelle de la Fraternité, il n’y a pas de recours juridique selon une voie normale contre une décision du Supérieur Général prise à l’unanimité de son Conseil. Cette situation n’est en rien la faute de la Fraternité (tout provient de l’injuste et illégale « suppression » de la Fraternité), mais c’est un fait sans appel (c’est le cas de le dire).
En soi et en droit, personne ne peut reprocher à M. l’abbé Laguérie de faire appel ou recours contre une sanction qu’il estime injuste. Et là n’est pas le problème.
En mai 1975, l’évêque de Fribourg a prétendu enlever à la Fraternité son existence canonique, c’est un fait que nous avons toujours contesté et contre lequel nous avons fait recours à l’époque. Depuis ce jour, le système de l’exercice de la juridiction dans la Fraternité, c’est-à-dire de l’exercice de l’autorité et de son corrélatif, l’obéissance, se trouve en quelque sorte privé de sa clé de voûte. La Fraternité se trouve coupée de facto de l’autorité de Rome. Cette Autorité, la Fraternité continue de la reconnaître, mais cette dernière ne veut plus reconnaître la Fraternité. Ainsi, bien que nous reconnaissions l’autorité suprême du Pape et du Saint-Siège ainsi que celle des évêques dans leurs diocèses respectifs, (par exemple nous les citons au canon de la messe), il nous est de facto impossible d’y faire appel. C’est l’une des souffrances de notre état actuel, c’est aussi une faiblesse de notre situation canonique. Seule une acceptation libre mais indiscutable de tous les membres peut pallier cette fragilité que nous porterons tant que nous ne serons pas reconnus par Rome. (De même, nous acceptons ces autres souffrances que sont les interdictions de célébrer dans les églises et autres restrictions et brimades).
Cette situation n’est pas sans danger. Du côté de l’autorité, il y a le danger d’usurper la place de l’autorité suprême (c’est-à-dire finalement du pape.) Du côté des inférieurs, cette autorité pourrait toujours être remise en question. Pour pallier la première difficulté et de possibles abus de pouvoir, le Supérieur Général, autorité la plus haute de la Fraternité, a pour principe de ne jamais prendre seul les décisions importantes, mais de toujours respecter les voix délibératives de ses deux conseillers. Pour les questions les plus graves, il consulte aussi les évêques.
Du côté des membres, il devient évident cependant qu’une contestation résolue et définitive d’une décision du Supérieur Général ne peut se terminer que par un départ de la société.
Il manque une pierre à notre édifice, et c’est la clé de voûte ; nous n’y pouvons rien, c’est un fait. Du fait que nous reconnaissons que cette pierre est de droit le Saint Siège, il nous est strictement impossible de prétendre la remplacer par autre chose : ce serait soit entrer dans le schisme, soit inventer une nouvelle entité au-dessus du Supérieur Général, un super supérieur… entrer dans une spirale sans fin. En d’autres termes, en touchant à l’un des points fondamentaux de sa situation actuelle, c’est l’existence même de la Fraternité qui est mise en danger.
C’est ce qu’a fait M. l’abbé Laguérie. Depuis vingt-neuf ans que nous sommes dans cette situation, il est le premier qui ait osé y toucher. Il a voulu placer au dessus des exigences du bien commun de notre Fraternité une exigence personnelle, que d’ailleurs personne ne peut lui contester en droit, mais que de fait il ne peut faire valoir sans démolir la Fraternité de fond en comble.
De plus, est-il nécessaire de souligner l’inconséquence pour M. l’abbé Laguérie de faire appel à des autorités qu’il conteste par ailleurs – et parfois violemment – comme c’est le cas pour Mgr Ricard auprès duquel il a fait recours et qui est fortement pris à partie dans Le Mascaret. Et nous pouvons élargir cette problématique aux autorités romaines, dont nous contestons vigoureusement certaines déviations comme l’œcuménisme, et qui nous sont hostiles pour des raisons doctrinales.
Il n’y a donc pas d’autres solutions pour M. l’abbé Laguérie, s’il maintient sa contestation, que de quitter la Fraternité.
4) Vous ne pouvez quand même pas nier que la Fraternité Saint-Pie X se rétracte, se verrouille, se crispe, qu’elle chasse de son sein les prêtres les plus actifs et les plus entreprenants.
L’examen de la réalité de la vie de la Fraternité en France ces dernières années manifeste que ce prétendu constat ne repose sur rien de bien réel.
Le district de France ne cesse d’acquérir et de rénover un peu partout des églises pour faire rayonner son apostolat. Le district mène aussi un combat intellectuel et pastoral dont témoignent par exemple les symposiums sur Vatican II, les colloques de l’Institut Saint-Pie X et de Civitas, le développement de Clovis-Fideliter-France Livres, de Pacte-Certitudes-Servir dirigé par M. l’abbé de Tanoüarn, du site internet DICI dirigé par M. l’abbé Lorans, de l’ACIM et des Cahiers Saint-Raphaël, les ouvrages sur la réforme liturgique et sur l’œcuménisme adressés à Rome, la soirée consacrée au film de Mel Gibson, le Rassemblement annuel des Œuvres catholiques, etc. Le district mène encore un combat auprès des évêques et du clergé par la Lettre à nos frères prêtres, par la diffusion des études critiques auprès de tous les prêtres de France, par la conférence de presse de Mgr Fellay à Rome, le 2 février dernier à l’occasion de la sortie de l’étude sur l’œcuménisme, etc. Le district mène un combat spirituel par les retraites spirituelles (plus de 1000 retraitants par an), par le pèlerinage de Montmartre, celui de Lourdes et tous les pèlerinages régionaux, par les processions, etc. Le district mène enfin un combat éducatif par ses nombreuses écoles primaires, secondaires et supérieures (plus de 1000 jeunes scolarisés, sans compter les écoles des Dominicaines pour les filles). Etc.
Au vu de ces faits et de bien d’autres témoignages de l’action vigoureuse des prêtres du district, il est faux de dire que tout se focalise sur la longueur des jupes, sur le port de la mantille ou sur d’autres détails qui ont leur importance mais qui restent des détails. Les maladresses toujours possibles de quelques-uns ne doivent pas disqualifier le travail de tous et faire oublier le rayonnement missionnaire des 140 prêtres du district et des dizaines de milliers de fidèles qui les soutiennent.
Certes, nous avons perdu il y a quelques mois M. l’abbé Aulagnier. Certes, nous venons de perdre, MM. les abbés Philippe Laguérie et Christophe Héry. C’est une grande perte et une grande peine pour nous. Leurs belles qualités vont manquer à la Fraternité. Mais on peut dire qu’ils ont plus quitté la Fraternité que la Fraternité ne les a quittés. Ils ont malheureusement, peut-être avec de bonnes intentions de départ, créé les conditions d’une impossibilité de cohabitation.
Nous espérons qu’après avoir réfléchi, après avoir constaté notamment le rétrécissement de leur champ d’apostolat consécutif à leur séparation, ces prêtres reviendront vers le combat inchangé et dynamique de la Fraternité.
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DICI N° 224
DICI N° 224
Nouvelles de Chrétienté N° 122
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